Chroniques Démiurgiques - Mémorial poétique de Terrefort, Vol.2
Les trois premiers volumes de ces Chroniques Démiurgiques se veulent être un bouquet d’œillets rouges de sang et noirs de révolte et de résolution. Chaque poème y est en effet déposé, animé d’un feu toujours vif, en mémorial, à la grandeur et à la dignité héroïque des miliciens anarchistes de la 26e colonne Durruti de l’armée Républicaine non seulement espagnole mais encore catalane et basque, et leurs alliés, Brigadistes Internationaux, aujourd’hui couchés pour l’éternité à la lisière du monde et de l’ancien camp de concentration du Vernet d’Ariège.
Dans une tradition poétique de sirventès occitan médiéval sainement héritée, révolution passée et révoltes actuelles se mêlent, se répondent et se correspondent. L’auteur donne la parole à un athéisme libertaire confronté à un monde, vide de dieu et de providence, livré l’insondable infamie de l’humain capable d’enfermer son frère, sa sœur, leurs enfants dans des camps de concentration. Mais il y donne aussi la parole, dans une très jungienne confrontation
des opposés, à une espérance métaphysique cathare (ou, au moins, gnostique) espérance d’autres révoltés, de l’esprit, ceux-là, et eux aussi tombés pour leurs idées et leur foi, généreuse mais aussi insolente à toute hiérarchie que le furent les âmes des justes, morts dans ce dépotoir de l’horreur autoritariste et de l’injustifiable qu’a été le camp de
concentration du Vernet d’Ariège. Ce dialogue entre métaphysique cathare et athéisme anarchiste résolu engendre au fil des poèmes, une sorte d’échange poétique qui n’est peut-être par la moindre originalité de cette somme mémorielle..
Poèmes extraits du recueil
Poème 58
à Jarkof Maciborski (2.)
in memoriam
« J’ai cueilli le chiendent
sur la tombe du pauvre mort.
J’ai brandi la mauvaise graine
aux quatre coins de mon jardin. »
Joan Bodon (1920-1975)
in L’èrba d’agram – Sus las mar de las galèras
« Ajoutons que le recours aux troupes coloniales, aux colonnes italiennes, à l’aviation allemande, aux bombardements massifs des populations civiles, ont semé la peur, mais aussi la rage. Il est vrai que la longueur de la guerre, les privations, les pronostics sombres, ont progressivement miné l’esprit de résistance de la population. Mais beaucoup de combattants, même aux dernières heures, se refusèrent au découragement. A un officier français qui le traitait avec mépris, un officier républicain espagnol, en retraite sur la frontière des Pyrénées, se permit de dire : « Je vous souhaite de tenir autant que nous. » J’ai beaucoup pensé à lui en juin 1940. »
Pierre Vilar (1906-2003)
In La guerre d’Espagne – Que sais-je ?
Au champ des aulnes clairs repousse le chiendent,
regain dont nul ne veut, là où tout doit pousser
selon le seul vouloir d’indécents capricieux
Qui auraient dû savoir que vivre était souffrir.
Au champ des aulnes clairs repousse le chiendent,
comme à tous les printemps succèdera l’été.
Vous pouvez le brûler. Vous pouvez l’arracher.
Toujours, après-demain, têtu, il reviendra.
Au champ des aulnes clairs repousse le chiendent,
selon le gré du vent, des arbres et des cimes,
comme chante le fleuve en bas, comme la fille
qui va se baigner nue où le sang, autrefois,
coula, le sang des justes desquels vous vous moquiez.
Au champ des aulnes clairs repousse le chiendent.
2. Prisonnier politique mort au camp de concentration du Vernet le 27 août 1941
Poème 63
à Giovanni Zanella (4.)
in memoriam
« L’Evangile de Jean est un livre qui parle de la lumière qui est en chacun de nous et non du corps qui devrait être purifié pour servir de support à la résurrection. C’est un livre qui parle d’amitié entre Jésus et les hommes et non de relation d’un maître à ses disciples. C’est un livre qui parle d’un monde qui a été abandonné au Diable, et non d’un monde qui doit être reconquis pour servir de base au Royaume. Enfin, c’est un livre qui sépare la pratique de la justice de sa récompense terrestre. C’est un livre qui parle d’un dieu impuissant sur la Terre. »
Pacôme Thiellement (né en 1975)
in La victoire des Sans Roi
— Pierre, tu ne sais faire que mentir,
contant qu’un dieu bon sur nous veillerait,
nous protégeant de ce mal qui nous brise
et nous fait choir, en sang, dans la misère :
où est ce traitre duquel tu nous parlais ?
— Jean, tu ne dois pas juger sans connaître
la volonté sainte de l’Omniscient
qui tout connait mieux que tu te connais
car tu ne vois que ton deuil dans la guerre,
alors qu’ensuite un sens t’en parviendra.
— Rien ne viendra, Pierre, de ce futur
que sang et deuil, souffrance, humiliation !
Et les puissants, assoiffés de nos larmes,
massacrent, violent, saccagent et brûlent tout
de ce pays qui nous paraissait nôtre.
— Je garde foi ! Mon Dieu fait toute chose
et sait pour moi le mieux et le plus juste.
— Tant mieux pour toi, je te laisse ton monde
et ses puissants qui à leur goût l’arrangent.
Monde meilleur de nous seuls peut venir.
4. Prisonnier politique mort au camp de concentration du Vernet le 27 août 1941
Poème 90
à Paul Organov (6.)
in memoriam
« Les recherches colossales déjà réalisées permettent d’affirmer que la répression menée par les rebelles fut globalement trois fois plus meurtrière que celle de la zone républicaine. »
Paul Preston (né en 1946)
in Une guerre d’extermination, Espagne, 1936-1945
C’était des enfants perdus
entre l’espoir et les bombes.
C’était cinq ventres creusés
par la faim et les angoisses.
Leurs pères étaient partis
défendre la République.
Devant l’église ruinée
qui leur servait d’hôpital,
leurs mères donnaient à boire
aux assoiffés sur la route
comme aux loyaux combattants
défendant la République.
Quand vainquirent les corbeaux
et leurs meutes d’assassins,
ils exécutèrent tous
ceux qui étaient restés fidèles
à la République honnie
des rouges, des anarchistes.
Devant leurs mères violées
fusillées, oui, mais ensuite,
leurs cinq enfants alignés
au pied du mur de l’église,
furent tués pour l’exemple,
un exemple « un, grand et libre »…
6. Prisonnier politique mort au camp de concentration du Vernet le 13 mai 1942
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