Toi qui l'as vue

Avec le recueil Toi qui l’as vue, Franc Bardòu essaie de marcher, humblement, dans les traces désormais célestes du grand Bernard Manciet, en hommage et en témoignage de reconnaissance. Pourtant, il s’agit aussi d’un chant d’amour à une Dame à la fois omniprésente et absente au narrateur, une Dame qui semble venir s’incarner furtivement dans la terre, la mer, les cieux et les collines si chers au cœur de l’auteur, en Pays d’Aude, une terre présente à chaque page, à chaque souffle, à chaque émoi, et que le narrateur, perdu en son immensité, nous tend comme un miroir fidèle à la splendeur de l’absente adorée. Le déplacement est multiple. Les yeux du lecteur cherchent l’absente. Le narrateur s’adresse, lui, à un tiers qui l’a vue. Ainsi, de regard en regard, et d’abîme en abîme, voici une quête de l’âme où veulent se conjuguer et se mêler le Génie d’Oc de René Nelli et le Génie Aquitain de Bernard Manciet.

Couverture de recueil de poèmes, Franc Bardòu
86 pages - ISBN n° 979-10-93692-43-2 - Prix de l'éditeur : 15€

Poèmes extraits du recueil

« je te construis comme la mer
je te scelle comme un été
par sacrements »

Bernard Manciet
« Je te bâtis », in Poïésiques

 

 

Poème I

C’était par une aube improbable
aussi poreuse que la mer
qui baignait ses pas dans le sable
fondant loin vers des infinis
pyrénéens et transitoires.

Les cheveux des vents la peignaient
d’écumes incommensurables
au gré luisant de certitudes
s’estompant contre ces nuages
emportés dans la nuit furtive.

Les chemins de vignes à la main,
elle parsemait des lendemains
vendangés par les anges en liesse
sans cesse, au décours de sa grâce,
comme après les fleurs de l’amour.

Le soleil ruisselait des voiles
que les caravelles perdues
dessinaient loin sur l’horizon
de leur tempêtes traversées
comme on s’agenouille à ses pieds
quand passe la clarté diaphane
de son corps dévêtu, secret
des plus franches constellations
s’effaçant dans le bleu du jour.

« Les régions de l’air se désassemblent
les voiles argentées se répondent
corps de dispersion

Où le sang n’est que lymphe et tout corps neiges qui voguent avec les contrées d’une peau chantante »

Bernard Manciet
in Estuaire

Poème IV

Et ce fut dans l’aube improbable
de ce souvenir de chansons
qui, d’oliveraies en chênaies,
clamaient le bon sens et la sève,
ce fut en telle aube improbable
qu’elle descendit des trois plateaux,
de Cerdagne enneigée, là-haut,
courant par Sault fendu, sylvestre,
de hêtraies en gorges profondes,
jusqu’en Quercorb ivre d’oiseaux.

Elle descendit comme vient l’aube,
comme écume au sable fondant,
elles descendit comme les vents
d’un ailleurs en tout impossible,
évidente comme mandorle
sur le seuil de l’Apocalypse,
aussi fuyante que l’aurore,
plus souple encore que l’osier,
plus qu’un laurier sous la bourrasque.

Elle descendit, claire évidence
dans la nuit de l’exil sordide,
quand l’âme, à la porte du monde,
vient frapper pour ne plus laisser
le mauvais sort la compresser,
meule extirpant l’huile d’esprit
pour à jamais recommencer.

Elle descendit, blanche évidence.

Toi qui l’as vue ainsi paraître,
de ton vers, donne à pressentir
sa lumière, ivresse enivrante
au point d’en lacérer la nuit.
Cela s’acclame charité.

« Bleu d’orgue et l’échappement ligne hirondelle avaleuse d’azur courbe aux saints virages hurleurs lorsque le jour ploie en dune d’aluminium en glissade de sel fin le long le long de la cuisse fuselage de dentelle déchirante tu n’es qu’une cuisse au mitan de mon souffle mon Alfa sans nul défaut »

Bernat Manciet
Impromptu de l’Alfa in Impromtus

Poème XXI

Toi qui l’as vue lorsqu’elle parait
nue sur l’île de la Margotte,
qui l’as regardée se peigner
dans l’eau verte de la lagune
de Doul, lorsque le Cers se pose,
comment peux-tu donc nous cacher
son doux chant, au ruisseau de l’air,
que seuls les plus vieux pélicans
nous suggèrent, en soupirant
qu’elle n’y soit passée que si vite ?

Dans les ruelles de Peyrac,
certains t’ont vu, te promenant
parmi les toits, les hirondelles,
marchant sur les clartés du vent
tout ensorcelé par sa Grâce.

Pourquoi donc n’en dis-tu plus rien ?
Tu devrais la chanter sans cesse !

C’est à faire songer que tôt
t’a-t-elle pris amant, ravi
dans un secret enchantement !

Mais comment pourrais-tu tracer
les contours de l’illimité ?

Comment rentrer le soir au port,
passant au Grau de Lafranquie
jusqu’aux lagunes de Lapalme,
pour, sur le seuil de nos Corbières,
nous décrire ce que nul mot
jamais n’offrirait à sentir,
quand, sur des flots comme les siens
sans nul rivages ni nul nom,
l’on navigue sans temps ni lieu ?

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