La nuit

Fernando Pessoa semble avoir toujours su que nous sommes des cribles de contraires et d’oppositions intérieures qu’il a très tôt appris à dépasser, à assumer, à accueillir comme autant de champs d’expressivité poétique. Désirant suivre cette voie aventureuse de l’écriture, Franc Bardòu lui rend ici un hommage fervent. Dans « La nuit » de ce recueil d’amour et d’exil, où l’auteur continue de conjuguer la voie traditionnelle des troubadours occitans, son gnosticisme contemporain et son surréalisme jungien, à la suite de son recueil « Le jour » paru l’année précédente, il vous convie à explorer la Voûte étoilée, ses constellations fatidiques et les pantomimes désuètes de nos personnages de fumée. Comme pour les anciens chrétiens que Pacôme Thiellement a décrits avec grâce et respect en tant que « sans-roi », la vie sur terre n’est qu’un songe, mais plus exactement un cauchemar duquel on doit se libérer, en fin de course. C’est pourquoi il vous fera gravir ensuite l’échelle des cieux antiques, espérant vous permettre d’y déchiffrer les passions qui nous tourmentent tous en vain. Il essaiera ensuite de vous accrocher à quelque queue de 

Couverture de recueil de poèmes, Franc Bardòu
174 pages - ISBN n° 979-10-93692-42-5 - Prix de l'éditeur : 15€

comète pour peut-être enfin parvenir fuir l’obscurité de vos errances nocturnes. Et si les comètes vous prennent, vous trouvez dans leur sillage le point du jour de quelques espoirs improbables et clairs où « la vie semblerait presque retrouver un sens. »

Mais là, comme toujours, vous constaterez avec le poète que c’est encore la Dame qui « inverse la vue du cœur et de l’esprit, depuis le fond des nuits jusque à la fleur de l’aube. » Une Dame à laquelle tout ce recueil est dédié.

Poèmes extraits du recueil

Chapitre I

Voûte étoilée

« La constitution de son esprit le condamnait à tous les désirs : celle de son destin à les abandonner tous. (…) Sans être partisan de quelque ascétisme que ce fût, cet homme avait abdiqué de tous les desseins auxquels sa nature l’avait destiné. Naturellement construit pour l’ambition, il se délectait posément de n’en avoir aucune. »

Fernando Pessoa (1888-1935)
« Le livre de Vicente Guedes — Autobiographie de qui n’a jamais existé » in Le livre de l’inquiétude

Poème I

Vérité

Encore qu’autrefois épluché par le vrai,
enivré de récit et fou de certitude,
je déclamais sans hargne une chaste chanson,
couleur de personnage en tresse d’avenirs,

tout seul sur les allées d’une cité déserte,
je pose mes pas courts sur les noirs pavements
de la peur du grand mal, étrange et impalpable,
qui dit l’unique fin qui nous espère tous.

Les chemins, tout autour, s’obstinent à n’être rien
qu’illusions si fugaces, et vaines, et délétères :
murs de la vérité, non point de la vertu.

Tu n’en tireras rien pour orienter tes pas.
Car quand la nuit déploie son manteau de mensonges,
seul ce que ton cœur chante a valeur d’horizon.

Chapitre II

Astres et désastres

« Je sens mon cœur comme un poids inorganique. »

Fernando Pessoa (1888-1935)
« Le livre du Baron de Teive — Éducation du stoïcien »
in Le livre de l’inquiétude

Poème I

Lune

Tripes déchiquetées
aux cinq extrémités de l’ombre,
la vertu dégoulinante
de cette ville bien trop vieille
miroite un ciel
lourd de venins, de tromperies,
monceaux d’étoiles aux aveugles promesses
que rien jamais de peut porter.

Une cité si vieille,
femme hideuse parce que luisante
comme bête lubrique,
mâle dans son ardeur
à foutre la nuit toute entière
à force d’immoler
son nom déjà perdu,
étourdissant silence,
la cité s’entremêle,
au coin de la ruelle,
avec tes yeux plantant
des coups de lames au ventre
de ces vastes ténèbres,
stériles tas d’ordures
où des miséreux cherchent
d’insanes et fiévreuses pitances.

Chaque étoile une plaie
et chaque astre un assaut
le ciel de tout ennui
s’enlise, crime lent
d’un temps qui, goutte à goutte
t’assoiffe à bientôt fondre
ton être au drap de nuit
qui voudrait te cacher
l’amertume des ondes
toutes pleines de larmes
qui noient déjà le monde
de leur haute marée.

Et la lune d’argent
s’éteint, toujours nouvelle.

Chapitre IV

Point du jour

« Tu ne dors pas sous les cyprès
car il n’est de sommeil en ce monde. »

Fernando Pessoa (1888-1935)
« Initiation »
in Il n’y a pas de mort

Poème I

S’éveiller sous les sycomores

Nous nous retrouverons au pied des sycomores,
dévêtus d’illusions et libres de délires.
Tout éblouis d’amour sans savoir qui nous sommes,
ni quels sont nos chemins, nous nous reconnaîtrons.

Nous nous reconnaitrons et tout sera rendu
de ce qui fut perdu, et pourquoi, et comment,
et quoi, et depuis quand, et forts de nous connaître,
le seul chemin vaillant nous contera notre être.

Au pied des sycomores où s’entrouvre le ciel
en cieux intemporels, gravissant la lumière,
l’un à l’autre liés comme l’air à la flamme,

et la rivière au lit, lors, nous nous répandrons
lueurs en la splendeur qui abolit temps et monde
en un unique souffle explosant les limites.

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