Chroniques Démiurgiques Vol.1

Les trois premiers volumes de ces Chroniques Démiurgiques se veulent être un bouquet d’œillets rouges de sang et noirs de révolte et de résolution. Chaque poème y est en effet déposé, animé d’un feu toujours vif, en mémorial, à la grandeur et à la dignité héroïque des miliciens anarchistes de la 26e colonne Durruti de l’armée Républicaine non seulement espagnole mais encore catalane et basque, et leurs alliés, Brigadistes Internationaux, aujourd’hui couchés pour l’éternité à la lisière du monde et de l’ancien camp de concentration du Vernet d’Ariège.

Dans une tradition poétique de sirventès occitan médiéval sainement héritée, révolution passée et révoltes actuelles se mêlent, se répondent et se correspondent. L’auteur donne la parole à un athéisme libertaire confronté à un monde, vide de dieu et de providence, livré l’insondable infamie de l’humain capable d’enfermer son frère, sa sœur, leurs enfants dans des camps de concentration. Mais il y donne aussi la parole, dans une très jungienne confrontation

Couverture de recueil de poèmes, Franc Bardòu

des opposés, à une espérance métaphysique cathare (ou, au moins, gnostique) espérance d’autres révoltés, de l’esprit, ceux-là, et eux aussi tombés pour leurs idées et leur foi, généreuse mais aussi insolente à toute hiérarchie que le furent les âmes des justes, morts dans ce dépotoir de l’horreur autoritariste et de l’injustifiable qu’a été le camp de

 concentration du Vernet d’Ariège. Ce dialogue entre métaphysique cathare et athéisme anarchiste résolu engendre au fil des poèmes, une sorte d’échange poétique qui n’est peut-être par la moindre originalité de cette somme mémorielle..

Poèmes extraits du recueil

Poème 10

à Pere Nogues Puigdevall (3.)
in memoriam

« Mort esclava !
Ocell engabiat
en gàbia secular. Ocell nostrat,
orb, eixalat,
vermell de sang i de vergonya. » (4.)

Joan Oliver i Sellarès, dit « Pere Quart » (1899-1986)
in Les Decapitacions – XII

Il arrive, regarde. Il vient de loin.
Trois générations qu’il guettait.
Soupirs. Regrets. Colère absurde.
Il s’en vient de si loin qu’on l’avait oublié.

Tombe une puanteur sordide,
là où s’arrête le chemin.
Nos anciens l’avaient terrassé.
Nous en faisions encore fête.

Il s’élève comme un rempart
contre l’horreur qu’on redoutait,
une horreur qu’on avait déchue,
puis se révèle, lui, l’horreur.

Dans le néant, on le gardait.
Il vient, non pas comme on s’annonce,
non pas en sinistre drapeau,
non pas en général minable.

Ivre de guerre et de fureur,
la bise l’avait emporté.
Le printemps était revenu,
effaçant ce qu’était ce monde.

3. Prisonnier politque mort au camp de concentration du Vernet le 6 juin 1939

4. « Mort esclave ! Oiseau en cage / en cage séculaire. Un oiseau de chez nous, / aveugle, ailes arrachées, / rouge de sang et de honte. »

Poème 17

à George Belardis (7.)
in memoriam

« και τι δεν κάνατε για να με θάψετε
όμως ξεχάσατε πώς ήμουν σπόρος » (8.)

Dinos Christianopoulos (né en 1931)
in Le corps et l’absinthe (1960–1993)

Ils nous rêvaient perdus
entre peurs et misère,
tremblant comme des feuilles
au vent de la tempête.

Ils ignoraient le goût
s’égouttant des nuages
qui chante le réveil
comme revient la pluie.

Car nous étions tempête
et nous le resterons.

 7. Prisonièr politique mort au camp de concentration du Vernet le 8 mai 1941

8. « Qu’est-ce que vous n’avez pas fait pour m’enterrer ? / Mais vous avez oublié que j’étais une graine. »

 

Poème 90

à Manuel Sanz Almudévar-Puyuelo (11.)
in memoriam

« Vientos del pueblo me llevan,
vientos del pueblo me arrastran,
me esparcen el corazón
y me aventan la garganta. » (12.)

Miguel Hernández Gilabert (1910-1942)
in Vientos del pueblo

Chant du torrent au fond des gorges,
au pied de chemins égarés
qui serpentent loin vers des cimes
blanches de deuil et de douleur.

Chant des hommes qui s’expatrient,
et des femmes chassées au loin,
par les armes et les horreurs
de la grande armée des ténèbres.

Chant des neiges et des glaciers,
des abîmes ouverts au ciel,
chant de la peur et des angoisses,
des doigts et des orteils gelés.

Chant de Bénasque ou de Cerdagne,
fuyant la mort, fuyant les viols,
pour tomber les bras grands ouverts
dans les cages de notre honte.

Chant d’honneur de gens démunies,
elle s’est retirée, la grandeur
dans un manteau d’exil sordide,
manteau troué, manteau de hardes.

C’est le chant de ton deuil, pays,
toi qui te crois libre et bientôt
tomberas esclave, tel ceux
que tu enfermes dans ton mépris.

11. Milicien républicain aragonais entre 1936 et 1939, (26ème division, colonne Durruti, défendant la République contre la dictature franquiste, pour la CNT). Né à Abiego en 1917, il fit la Retirada par la Cerdagne. Un temps prisonnier politique à la forteresse de Mont Louis, il fut transféré au camp de concentration du Vernet d’où heureusement il parvint à s’évader, pour se retrouver dans la Résistance, en Médoc, à la Pointe de Grave. Les staliniens essayèrent de le supprimer, même après la « Libération ». Il lutta toute sa vie contre toutes les dictatures, en anarchiste loyal. Il est mort en Occitanie en 1998.

 12. « Les vents du peuple me portent, / les vents du peuple m’entraînent, / ils sèment mon cœur / et propagent ma voix. »

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