Chroniques Démiurgiques - Mémorial poétique de Terrefort, Vol.3

Les trois premiers volumes de ces Chroniques Démiurgiques se veulent être un bouquet d’œillets rouges de sang et noirs de révolte et de résolution. Chaque poème y est en effet déposé, animé d’un feu toujours vif, en mémorial, à la grandeur et à la dignité héroïque des miliciens anarchistes de la 26e colonne Durruti de l’armée Républicaine non seulement espagnole mais encore catalane et basque, et leurs alliés, Brigadistes Internationaux, aujourd’hui couchés pour l’éternité à la lisière du monde et de l’ancien camp de concentration du Vernet d’Ariège.

Dans une tradition poétique de sirventès occitan médiéval sainement héritée, révolution passée et révoltes actuelles se mêlent, se répondent et se correspondent. L’auteur donne la parole à un athéisme libertaire confronté à un monde, vide de dieu et de providence, livré l’insondable infamie de l’humain capable d’enfermer son frère, sa sœur, leurs enfants dans des camps de concentration. Mais il y donne aussi la parole, dans une très jungienne confrontation

Couverture de recueil de poèmes, Franc Bardòu
148 pages - ISBN n° 979-10-93692-23-4 - Prix de l'éditeur : 15€

des opposés, à une espérance métaphysique cathare (ou, au moins, gnostique) espérance d’autres révoltés, de l’esprit, ceux-là, et eux aussi tombés pour leurs idées et leur foi, généreuse mais aussi insolente à toute hiérarchie que le furent les âmes des justes, morts dans ce dépotoir de l’horreur autoritariste et de l’injustifiable qu’a été le camp de

 concentration du Vernet d’Ariège. Ce dialogue entre métaphysique cathare et athéisme anarchiste résolu engendre au fil des poèmes, une sorte d’échange poétique qui n’est peut-être par la moindre originalité de cette somme mémorielle..

Poèmes extraits du recueil

Poème 109

à Cazar Melian (2.)
in memoriam

« Un « gouvernement révolutionnaire ! » Voilà deux mots qui sonnent bien étrangement à l’oreille de ceux qui se rendent compte de ce que doit signifier la Révolution sociale et de ce que signifie un gouvernement. Deux mots qui se contredisent, qui se détruisent l’un l’autre. »

Pierre Kropotkine (1842-1921)
in Paroles d’un révolté

« Manolo et ses compagnons poursuivant leur repli avaient entendu peu après, les détonations, les cris et les hurlements des femmes. La rage au cœur, impuissants ils avaient dû supporter cela. Manolo en restera marqué pour toujours. »

Emma Sanz-Delzars (née en1938)
in Paroles d’avant l’oubli – La retirada.
Une famille dans l’exode des républicains espagnols en 1938 et 1939

Castellò de Farfanyà,
blanche terre de mystère :
qui crie ton nom, ô, cité,
parmi tes ruines sanglantes,
ou grimpant la Serra Llarga ?

Qu’envoient donc les cris des femmes
vers ce ciel désespéré ?
Qui sont ces enfants qui tombent,
poussière, le cœur percé,
tandis que passe la meute ?

Castellò de Farfanyà,
où sont donc passées les âmes
qui riaient sur cette place,
quand, le travail accompli,
la douceur des soirs régnait ?

Castellò de Farfanyà,
le ruisseau va, plein de sang,
et de larmes, et d’horreurs.
Pourquoi donc tous tes enfants
n’ont-ils pas fui juste à temps ?

Castellò de Farfanyà,
les braves on tenu le Segre
aussi longtemps qu’ils l’ont pu.
Mais ils se mêlent à la terre
où ils se sont tant battus.

Et les rescapés s’enfoncent
au plus profond des ténèbres,
s’y battant pour la lumière.
Mais les tiens, ô, Farfanyà,
où les fais-tu dériver ?

Qui nous dira le destin,
Castellò de Farfanyà,
de tes enfants lourds de balles,
de crachats et de jurons,
quand les brutes les trouvèrent ?

2. Prisonnier politique mort au camp de concentration du Vernet le 27 août 1941

Poème 127

à Osiride Margni (4.)
in memoriam

« Comment justifier le nombre de gardiens : de gendarmes, de militaires, de spahis à cheval, de tirailleurs sénégalais armés jusqu’aux dents, à la gâchette facile ? Parfois, ils vous tirent dessus simplement parce qu’à leurs yeux, vous avez dépassé, pour faire vos besoins, les limites de l’espace désigné à cet effet. Ce sont les ordres mais je les soupçonne, eux qui ont été si souvent humiliés, à cause de la couleur de leur peau et parce qu’ils étaient colonisés, de se venger enfin sur des blancs et ceci sans encourir le moindre risque de représailles. »

Emma Sanz-Delzars (née en1938)
in §14. Deuxième Retirada d’Agapito
Les camps d’Argelès-sur-Mer et de Bram, Paroles d’avant l’oubli – La retirada. Une famille dans l’exode des républicains espagnols en 1938 et 1939

127

Rien ne fait plus trembler de peur le vieux bourgeois
qu’un peuple en son entier voulant tout décider
lui-même, sans aller déléguer son pouvoir
à quelque ventre mou qui s’en dirait l’élu.

Comme un volcan crachant les laves de l’enfer,
qui vomirait le feu, la mort sur le pays,
ou l’ouragan furieux emportant en tornade
les maisons, les prisons, voici le libertaire !

Comme un grand fleuve en crue noyant champs et bourgades,
submergeant bêtes et gens, ivre sous le déluge,
comme un feu dévorant les villes, les forêts,

les vergers et les prés, voici le libertaire !
Jamais mieux ne saisit, la peur, son vieux bourgeois,
comme lorsque apparait le peuple libertaire !

4. Prisonnier politique mort au camp de concentration du Vernet le 27 août 1941

Poème 147

à Théophile Pawlowski (6.)
in memoriam

« Ainsi, à travers l’histoire, une lutte qui est la même dans ses lignes principales se répète sans arrêt. Pendant de longues périodes, la classe supérieure semble être solidement au pouvoir. Mais tôt ou tard, il arrive toujours un moment où elle perd, ou sa foi en elle-même, ou son aptitude à gouverner efficacement, ou les deux. Elle est alors renversée par la classe moyenne qui enrôle à ses côtés la classe inférieure en lui faisant croire qu’elle lutte pour la liberté et la justice. Sitôt qu’elle a atteint son objectif, la classe moyenne rejette la classe inférieure dans son ancienne servitude et devient elle-même supérieure. Un nouveau groupe moyen se détache alors de l’un des autres groupes, ou des deux, et la lutte recommence. »

Eric Arthur Blair, dit « George Orwell » (1903-1950)
in 1984

Nous avons pris la corde épaisse, bien solide.
Nous l’avons accrochée à la branche du chêne
où l’on rendra justice au jour du peuple libre.
Et le nœud bien coulant attend déjà son cou.

Mais nous n’y pendrons pas le tyran dérisoire,
ni la vaine cravate autour du vent nouée.
Et nous n’y pendrons pas la brute en uniforme
qui fracassait le crâne du peuple révolté.

Non, nous n’y pendrons pas les marchands de paroles
qui nous bourraient la tête d’infâmes inepties
pour nous laisser mener, tels des ânes dressés.

Mais pour sûr nous pendrons le pouvoir, en lui-même,
plaie de toutes les plaies et couteau dans le dos
de tous les héros morts pour notre liberté.

6. Prisonnier politique mort au camp de concentration du Vernet le 30 janvier 1942

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